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JE SUIS L'ÉGLISE DE REVIGNY ...
L'église de Revigny, nichée au coeur de la reculée de Revigny, au sud-est de Lons-le-Saunier, recèle des peintures murales exceptionnelles du XVème, mises à jour en 2013. Jean Chevalot, de l'ASPVV (Association de Sauvegarde du Patrimoine de la Vallée de la Vallière), passionné de ce patrimoine, nous présente ses richesses et son histoire.
Je suis l'église de Revigny.
Les bâtisseurs m'ont élevée au XVéme siècle à côté d'une petite chapelle consacrée actuellement à Saint Joseph. Comme beaucoup d'églises, je suis orientée Est-Ouest et mon chœur est légèrement incliné sur le Nord, symbole de l'inclinaison de la tête de Jésus sur la croix. Mon sol est couvert de dalles de pierres symbolisant la terre promise. Il monte doucement de l'entrée vers le chœur ; une marche le sépare du chœur, réservé au clergé et à quelques hommes, les autres hommes et les femmes devant rester dans le nef ; une grille avec un portillon surmonte cette marche : elle est appelée « table de communion », car elle permettait aux prêtres de distribuer la communion aux fidèles depuis cette grille. Mes murs et mon plafond ne sont pas rectangulaires, mais en forme d'ogive. Je suis la maison de Dieu qui se doit de ressembler à la terre qu'il a créée ; comme pour mon sol, mes murs et mon plafond symbolisent les croyances des anciens rapportées dans la Bible : le terre repose sur de la roche et le ciel est une immense voûte de pierre soutenue par d’innombrables montagnes.
Les bâtisseurs ont choisi de me couvrir de laves, comme beaucoup de maisons de cette région du Jura.
Je suis le porche de l'église de Revigny
Je ne suis pas destiné à abriter les fidèles, mais ma forme triangulaire surmontée de colonnes symbolise la Trinité, le Dieu unique des chrétiens. Jésus parle souvent de son Père, de Yahvé dont les Juifs ne doivent pas prononcer le nom et qu'on appelle le Saint Esprit, ainsi que du Paraclet et du Messager qu'il met au rang de Dieu. Les premiers chrétiens sont en grande majorité juifs, mais aussi égyptiens ; en attendant la parousie, c'est-à-dire le retour de Jésus, ils veulent un Dieu unique et reprennent la formule d’Akhenaton « un seul Dieu en plusieurs personnes » ; pour cela, ils font leurs, des dernières paroles de Jésus rapportées par l'évangéliste Matthieu : « Allez ! Enseignez les nations et baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ». Ce sera la Trinité chrétienne. Sous mon porche à Pâques se déroulent les cérémonies de baptême des jeunes adolescents chrétiens. Un baptistère assez élevé servait à recueillir l'eau du baptême et les jeunes gens approchaient à sa hauteur pour recevoir l'onde sacrée. Plus tard on n'attendra pas leur consentement : les enfants seront baptisés dès leur naissance. Mes deux pupitres en pierre servaient à supporter les volumineux missels en parchemin nécessaires au bon déroulement de la cérémonie; le papier vient seulement de faire son apparition, mais il va les remplacer progressivement.
Nous sommes les pierres gravées du porche de l'église de Revigny.
Nous sommes situées à hauteur d'homme sur le pilier droit du porche, comme dans les églises de cette époque. Nous sommes gravées d'un A suivi d'une épée-croix. Cette marque n'est pas celle de notre tailleur qui n'aurait pas été payé, comme le racontent les plaisanteries de chantier, mais celle du bâtisseur de notre église dont nous avons perdu le nom.
Je suis le portail de l'église de Revigny.
Comme dans beaucoup d'églises et surtout les cathédrales, je ne suis pas de forme rectangulaire comme une porte d'entrée ordinaire ; je dois rappeler le triangle surmonté de colonnes symbolisant la Trinité chrétienne. C'est pourquoi mes bâtisseurs, m'ont donné une forme d'ogive et ont reporté les colonnes sur chacun de mes montants.
Dans les cathédrales à trois portails, les triangles au sommet de l'ogive représentent chacune des personnes de la Trinité. À Revigny je suis trop petit pour insérer un triangle, mais une sculpture supplémentaire en forme de V retourné me chapeaute.
Je suis l'oculus de l'église de Revigny, le troisième et dernier symbole de la Trinité chrétienne.
Akhenaton avait choisi le cercle solaire pour affirmer « un seul Dieu en plusieurs personnes » ; les chrétiens vont reprendre ce symbole pour faire entrer dans leurs églises « la gloire de Dieu ». Ce terme vient d'une traduction en langue latine de Jérôme de Stridon en 383. Les Juifs, les Grecs et les Égyptiens désignent par un terme particulier l'espace qui se produit lorsque deux nuages d'orage s'écartent l'un de l'autre et laissent passer un puissant rayonnement lumineux. Ce terme est souvent utilisé par les évangélistes et comme il n'existe pas en latin, Jérôme a choisi le vocable de « gloire ». « Nous avons vu Dieu dans sa gloire », « Gloire à Dieu au plus haut des cieux »... Toujours à cette époque, les Latins et les Grecs laissaient entrer le soleil couchant dans leurs temples orientés généralement Est-Ouest sur la façade Ouest. Cette disposition leur permettait d'éclairer aux équinoxes l'autel disposé sur le côté intérieur Est. Sur cet autel trônait leur Dieu principal, Mars, qui a donné son nom au mois de mars. L'année romaine commençait au mois de mars. Au solstice d'hiver, le soleil couchant éclairait le côté Nord où était placé Janus, le Dieu du foyer, qui a donné son nom au mois de Janvier. Au solstice d'été, le soleil couchant éclairait la façade Sud, là où trônait Jus, le père des Dieux (Jus, pater, devenu Jupiter) qui a donné son nom au mois de Juin. Entre ces dieux, figuraient un grand nombre de dieux nationaux ou locaux, placés pour être inondés de soleil couchant à la date de leur fête. En faisant entrer la « gloire de Dieu » dans leurs églises, les chrétiens vont parfaire ce dispositif et gagner à leur cause de nombreux fidèles. Aux équinoxes l'autel intérieur côté Est et représentant souvent la Trinité chrétienne sera inondée de soleil couchant. Au solstice d'hiver, on fixera la fête de la famille chrétienne, Noël, et on fera commencer l'année après cette date. Au solstice d'été on placera Saint Jean Baptiste, présenté par les évangélistes comme l'égal de Jésus, né six mois avant lui. Entre ces fêtes, on fixera un grand nombre de saints qui seront inondés de soleil couchant, de gloire de Dieu, au travers des oculus à la date de leur fête. Les saints vont remplacer les anciens dieux. Le succès est immense : les chrétiens vont conquérir des territoires plus vastes que les plus grands empires.
Je suis un oculus dont l'emplacement a été décalé par mes bâtisseurs de 90 centimètres environ en direction du côté Sud, comme dans quelques églises et pour les mêmes raisons : en effet la course apparente du soleil est oblique et derrière la colline, il se couche quelques heures avant son point exact d'équinoxe. Ce simple petit décalage me permet d'anticiper l'instant de l'équinoxe, de faire entrer « la gloire de Dieu » en plein centre de l'autel en éclairant une représentation de l’assomption de la Vierge Marie, à laquelle mon église a été consacrée. Plus tard à partir du XVIIéme siècle l'Église catholique autorisera la construction d'églises sur un autre axe que EstOuest, ce qui permettra de positionner les oculus bien au centre.
Je suis la baie du solstice d'hiver de l'église de Revigny.
À chaque solstice d'hiver, le soleil se couche est si bas qu'il peut me traverser et éclairer un carré de pierre situé sur la marche qui sépare la nef du chœur. Aux autres jours de l'année, c'est impossible. Cette disposition qui existe également dans quelques autres églises du Jura permettait aux chrétiens de repérer la fête de Noël.
Comme au fil des siècles, le solstice d'hiver s'est décalé et éloigné de la fête de Noël, le pape Grégoire XIII en 1583 a supprimé 10 jours du calendrier pour faire coïncider les deux événements.
Depuis cette date le décalage s'est poursuivi. Il est maintenant de quatre jours, mais personne ne songe à les supprimer. De même que pour l'oculus, comment mes bâtisseurs ont-ils pu arriver à autant de précision ?
De la façon la plus simple que chacun peut toujours vérifier : en plantant un bâton aux couchers du soleil des solstices et des équinoxes, en repérant la direction de l'ombre, puis en mesurant sa longueur, ainsi que celle du bâton et en reportant ces paramètres sur mon église.
Je suis le clocher de l'église de Revigny
Apportées par les arabes au cours des guerres des siècles précédents, les tours carrées vont séduire les chrétiens et être accolées aux églises comme lieux élevés de guet et d'appel à la prière. Les premiers bâtisseurs m'avaient prévu rectangulaire avec un escalier sur le côté. Après ma destruction en 1637 par les troupes françaises, je suis reconstruit en 1660 sur une base carrée reprenant l'ancien socle rectangulaire et une partie de l'escalier. Je comporte un important mécanisme d'horlogerie qui me permet de donner l'heure sur mes faces Est et Sud et bien sûr une cloche. Sur une des poutres de mon beffroi qui la soutiennent est gravé l'écusson des « Chalon ».
Je suis la cloche de l'église de Revigny
Je m'appelle Marie-Élisabeth et j'ai été fondue à Lyon en 1834 par GEDEON MOREL FONDEUR DE CLOCHES. Mes marraines s'appellent FERREOL EUPHRASIE et ANNE SIMONE EUPHRASIE BIDOT, mon parrain, FERREOL MARCIAN BABEY. Leurs noms et prénoms sont moulés sur ma robe, ainsi que l'inscription :
JUBILATE OMNIS DOMINUM IN CYMBALIS BENE SONANTIBUS
LAUDATE EUM IM CYMBALIS
Réjouissez tous le Seigneur en faisant résonner cette cloche Louez-le par cette cloche. Mon beffroi a été gravé au blason des Chalon en 1780.
Je suis la chaire de l'église de Revigny
L'ange du dernier jour sonne du buccin au dessus de mon dais. Le garde-fou de mon escalier est décoré d'une représentation des quatre évangélistes. Située au milieu de la nef côté Nord, pour que la lumière du Sud m'éclaire, je servais au prêtre pour son homélie avant l'invention des micros.
Je suis le praebendarium de l'église de Revigny
Je comporte deux vasques percées au fond, d'un orifice permettant le passage de grain de blés. Lors des cérémonies religieuses chaque paroissien devait tour à tour me remplir au moment de l'offertoire des messes. Je comporte les armoiries des « Chalons », ce qui permet de supposer que le grain d'une des vasques revenait au prêtre qui officiait et l'autre aux nobles du château. Les praebendarii étaient très mal acceptés par la population et beaucoup furent brisés à la Révolution Française. J'ai été sauvé en étant remisé derrière l'autel, d'où je ne suis jamais ressorti.
Les peintures de l'église de Revigny
Nous sommes les peintures de l'église de Revigny
Peu après la construction de l'église, les murs sont enduits de plâtre et attendent leur décor. Pour bien comprendre ce qui va se passer, il faut nous re-situer dans le Revigny de l'époque. Le dernier plateau du Jura qui avance sur la plaine de la Bresse constitue une muraille redoutable percée seulement de quelques vallées. À des kilomètres à la ronde, seule celle de Revigny permet le passage en pente relativement douce de gros engins de transport. Son emplacement stratégique a nécessité la construction d'un château avec une garnison de plusieurs centaines de soldats comme en témoignent les deux inventaires du château qui nous restent en archives. De ce fait Revigny est un pays aisé qui peut se permettre de décorer richement son église. À la différence des plaines et des plateaux, les vallées jurassiennes du Revermont contiennent une grande variété de minéraux de toutes les couleurs à l'exception du bleu. C'est pourquoi quasiment toutes ont vu s'installer des ateliers de peinture employant une cinquantaine de compagnons. Les uns sont chargés de rechercher les minéraux, d'autres les broient dans des mortiers, les mouillent et les filtrent dans du feutre. Le résidu obtenu est séché, puis finement écrasé pour constituer une base pigmentaire, rangée par couleur dans différentes poteries. Ces pigments seront mélangés à de l'eau si l'ont peint sur du plâtre frais, de l'huile si l'on peint sur une toile, de la colle à bois, si l'on peint sur du bois et du blanc d’œuf si l'on peint sur du plâtre sec, ce qui est le cas de mes peintres qui ont du mobiliser un grand nombre de poules pendant plusieurs mois. Bien sûr il n'y a pas encore de marchands de peinture et nous sommes en pleine guerre de cent ans. Les commandes sont rares et la construction de l'église de Revigny est une aubaine pour nos peintres.
Nos peintres travaillent en équipe à la manière des dessinateurs de bandes dessinées actuels :
le sujet est élaboré par un scénariste. Le papier est cher à produire et commence lentement sa révolution. Jusqu'à la fin du XVéme siècle il concernera principalement les éditions de la Bible en latin, grec et hébreux, ainsi que quelques corans en arabe ; les traductions en langue locale viendront plus tard. La soif de lecture et de connaissance est telle qu'il n'y a pas qu'une poignée d'exégètes capables de maîtriser tous ces textes comme à notre époque actuelle, mais environ 15000 répartis dans le monde chrétien et musulman. C'est une révolution sans précédent et ces exégètes s'aperçoivent très vite que l'église catholique a fait de nombreuses erreurs de traduction et de compréhension. La révolte gronde dans toutes les communautés et elle aboutira au siècle suivant à l'émergence du protestantisme. La guerre de cent ans, au cours de laquelle la Bourgogne-Franche Comté s'est alliée aux anglais contre le roi de France, voit les idées de John Wylclif se répandre partout. Les papes qui règnent encore à Avignon s'en inquiètent et disent « lorsque deux voyageurs se rencontrent en France, il y en a toujours un du côté du pape et l'autre de John Wylclif ». Notre scénariste est fortement imprégné des propositions de Wylclif qui prône le retour à la pureté des évangiles et d'abandonner les interprétations papales. On le voit nettement sur au moins trois tableaux : le baiser de traître de Judas présenté comme un baiser entre hommes, Pilate costumé en juge du Moyen-Âge et non en Préfet, Jésus molesté revêtu de la Chlamyde. À cela s'ajoute une connaissance approfondie de l'époque romaine : Pilate, en tant que juge romain, instruit « l'affaire Jésus » debout, puis s'assoit pour prononcer son jugement. Notre droit issu du droit romain a gardé cette caractéristique avec la magistrature debout qui instruit et la magistrature assise qui juge. Jésus est attaché avec des cordes avant d'être cloué sur la croix. Un soldat romain lui perce le flanc droit et non le gauche où se trouve le cœur : c'est bien le terme grec employé qui désigne spécifiquement cet endroit. Comme si cela ne suffisait pas, mon scénariste a un sens aigu du symbole et il sait jouer avec le savoir de ses contemporains : les gens du peuple ne savent pas lire, ni écrire, mais ils sont cultivés et connaissent par cœur les scènes bibliques et particulièrement la fin de vie de Jésus. Aussi mon scénariste d'une part organise chacun de ses tableaux, d'autre part fait annoncer à chaque tableau du mur Sud, celui de son vis-à-vis du mur Nord, comme le font de nombreux dessinateurs de bande dessinées actuels.
Sur les instructions de mon scénariste, un dessinateur propose une esquisse sur une palette de bois (le nom est resté chez nos peintres actuels); après acceptation, les principaux points de l'essai sont reportés avec précision sur les murs à l'aide de compas à degré (on voit encore la marque des pointes de compas); le dessin est reconstitué ensuite à l'aide d'un marqueur noir (aux endroits où la peinture a disparu, il reste le tracé effectué). Puis suit le travail des coloristes qui meublent de pigments les espaces ainsi réalisés (on distingue deux techniques : la ligne claire du mur Sud où l'on peint seulement à l'intérieur des tracés noirs et celle du mur Nord où l'on peint par dessus les tracés noirs). Le dessinateur du mur Sud suit l'école bourguignonne : deux de ses tableaux utilisent la perspective bourguignonne ou flamande en forme de triangle (à cette époque la Bourgogne s'étend jusqu'en Flandre); la base du triangle démarre en hauteur sur la gauche (c'est le point le plus reculé) et la pointe du triangle file sur le centre, le point le plus rapproché. Quant au coloriste du mur Nord, il n'est d'aucune école connue et sa technique est d'une actualité frappante : l'expression de la souffrance du visage de Jésus devant Pilate faite de petites touches de peintures progressives relève du chef d’œuvre et n'a rien à voir avec la soit-disant humidité du mur qui ne saurait produire d'elle-même une œuvre d'art.
Dans le courant du XVIéme siècle, nous avons cessé de plaire. On nous a bouchardé pour nous recouvrir de plâtre, plâtre qui a tenu jusqu'à nos jours et qui finalement nous a permis de ressusciter. Seuls quelques tableaux ont pu être restaurés en gommant l'effet du bouchardage.
Nous sommes les saints de l'église de Revigny
Depuis la nef dans laquelle doivent se tenir les fidèles, on ne voit pas les peintures en enfilade des murs Sud et Nord, mais seulement le mur Est sur lequel notre scénariste a fait dessiner quatre saints, beaucoup d'églises jurassiennes honorant également quatre saints, sans qu'on sache véritablement pourquoi. En ce XVéme siècle, les saints ont plus d'importance que Jésus lui-même, ce qui peut expliquer cette mise en valeur. Comme dans les temples antiques, ces saints sont placés à la date de leur fête, lorsque la gloire de Dieu du soleil couchant vient les inonder de lumière. Les jumeaux Côme et Damien sont fêtés le 23 septembre.
Comme ils ont été peints en ce début du XVéme siècle, que Grégoire XIII a supprimé 10 jours du calendrier en 1583 et que depuis cette date, nous nous sommes encore décalés de 4 jours, ce n'est
qu'autour du 7 octobre que l'on peut revoir actuellement ce phénomène. Même chose pour le pape Félix IV à leur côté, fêté le12 octobre. Quant au quatrième saint placé début août, il s'agit d'un diacre martyr ; il n'y en a que deux parmi les saints : Saint Étienne et Saint Laurent, mais comme ils sont fêtés tous les deux début août, il faudra les identifier autrement.
Côme et Damien étaient l'un médecin et l'autre pharmacien : Côme tient un instrument de chirurgie, Damien un bocal d'urine qu'il examine. Félix IV est habillé en pape d'Avignon avec leur mosette et leur tiare caractéristiques ; c'est Félix IV qui a rétabli le culte de Côme et Damien : c'est pourquoi, il a la tête tournée vers eux ; de plus il leur a construit à Rome une immense basilique, la plus grande après Saint Pierre de Rome et on voit à sa droite l'esquisse de cette basilique. Le quatrième saint ne semble posséder ni les pierres qui caractérisent la lapidation de Saint Étienne, ni le grill sur lequel a été martyrisé Saint Laurent ; une restauration prochaine nous en dira peut-être plus.
Je suis la Jérusalem Céleste de l'église de Revigny
Quarante créneaux-maisons surplombent l'ensemble de mes peintures avec des pierreries dessinées dans mes soubassements. Douze créneaux-maisons ont une porte ouverte. Le terme de Jérusalem Céleste vient de l'Apocalypse de
Jean : il voit descendre à lui une cité lumineuse brillant de milles pierreries, comportant des remparts semblables à ceux de Jérusalem et douze tours, desquelles sortent des anges qui viennent lui annoncer les malheurs à venir. Mon scénariste et mes dessinateurs n'ont probablement jamais vu Jérusalem, ni les rares enluminures de parchemin qui reproduisent les créneaux de ses remparts. Par contre bien des églises possédaient des lustres-Jérusalem-Céleste : pour les offices religieux, les bedeaux hissaient à l'aide d'une corde coulissant dans la jante d'une poulie, un cercle de bois garni de cierges allumés ; il le descendait dès la fin de la cérémonie et éteignaient les cierges. Très vite les artistes ont fait le rapprochement avec la Jérusalem Céleste de Jean et ont orné les cercles de bois de quarante créneaux à la forme caractéristique de ceux de Jérusalem, de douze tours avec quelquefois des anges qui sortaient de leurs portes, sans oublier des chapelets de verroteries qui diffusaient la lumière un peu partout. C'est sans doute ces lustres-Jérusalem-Céleste qui ont inspiré mes dessinateurs.
Je suis le premier tableau de l'église de Revigny
On distingue seulement un personnage la bouche ouverte attendant vraisemblablement une nourriture. Au vu des autres tableaux, de la rigueur chronologique observée par mon scénariste et de la foi chrétienne qui remémore dans l'eucharistie les derniers jours de Jésus, ce tableau ne peut concerner que la cène, le dernier repas de Jésus au cours duquel il annonce sa résurrection. Le tableau qui lui fait face évoque précisément la résurrection de Jésus.
Je suis la cène du deuxième tableau de l'église de Revigny. On ne distingue plus rien de moi, sauf un bandeau me reliant au tableau précédent. Jésus observe le rite essénien : il est le maître de cérémonie et doit distribuer la nourriture aux convives, du pain azyme trempé dans du vin. « Prenez et buvez : ceci est mon corps et mon sang qui sera livré pour vous ». Judas va contester la prééminence de Jésus en se servant dans le plat, en même temps que Jésus. Jésus lui demande de quitter la table. Le tableau qui me fait face est lui-aussi totalement détruit, mais dans l'ordre chronologique des évangiles, il ne peut qu'évoquer la fin de Judas, se pendant après avoir mesuré l'étendue de sa faute.
Je suis le lavement des pieds, troisième tableau de l'église de Revigny
Le repas s'achève et les pieds doivent être lavés avant de passer la nuit. C'est Jésus lui-même qui se propose à cette tâche. Pierre estime que ce travail n'est pas digne de Jésus et refuse. Jésus lui dit qu'aujourd'hui Pierre a besoin de lui, mais que demain, c'est Jésus qui aura besoin de lui. Pierre accepte et c'est ce que notre dessinateur nous montre. Sur le tableau d'en face, on voit Pierre aidant à descendre Jésus de la croix.
Je suis Jésus en prière au jardin des oliviers, quatrième tableau de l'église de Revigny
Jésus sent la mort proche et ne peut dormir. Il se rend au jardin des oliviers et demande à ses disciples de l'accompagner et de prier avec lui, mais ceux-ci tombent de sommeil. Jésus demande à son père de lui épargner le supplice qu'il entrevoit. En face le tableau correspondant est celui de Jésus mourant sur la croix.
Je suis le baiser de Judas, cinquième tableau de l'église de Revigny. Cette scène dans l'organisation du tableau, la disposition des personnages, des épées et des bâtiments, ressemble à s'y méprendre aux peintures murales que Giotto a réalisé en Italie dans l’Église de l’Aréna à Padoue. Comme la reproduction sur papier ou toile n'existait pas encore, il est certain que mon dessinateur s'est rendu en Italie et a enregistré en lui les détails du tableau, comme peut le faire tout amateur d'art. Sa copie n'est cependant pas servile: il utilise la technique de perspective bourguignonne et flamande pour représenter la masse des satellites et il les habille d'armures qui ne sont ni italiennes, ni espagnoles, mais plutôt anglaises ou bourguignonnes. Les satellites sont des soldats juifs et non romains, affectés à la protection du grand-prêtre et au respect de la loi religieuse. L'empereur Tibère les supprimera en 15, ce qui laisse supposer que la mort de Jésus se situe avant cette date et notre scénariste le sait et le montre.
Ce cinquième tableau représente Judas venant embrasser Jésus, baiser entre hommes de traître, destiné à provoquer une faute religieuse que les satellites pourront ensuite punir de mort. Les deux visages sont collés l'un à l'autre, mais la peinture du baiser semble avoir été grattée: il reste aussi quelques traces de griffures. À gauche arrivent les satellites. Jésus est situé du côté des satellites, tandis que les apôtres sont placés à droite, avec Judas. On voit également, au bas de Jésus, le serviteur du Grand-Prêtre à qui Pierre vient de couper l'oreille. Pierre rengaine son épée sur ordre de Jésus, qui remet en place l'oreille du serviteur. Selon la tradition, ce baiser de traître est racheté par Simon de Cyrène qui aide Jésus à porter sa croix: c'est le tableau que l'on voit en face.
Je suis Jésus chez le grand-prêtre Caïphe, sixième tableau de l'église de Revigny
On distingue mal les détails: seule mon auréole est visible, ainsi que la partie supérieure de la coiffure du grand prêtre (un chapeau melon jaune élevé au bas duquel on noue un turban que retient un voile couvrant les épaules). La restauration partielle montre également un clocheton, surmonté d'une croix anachronique, preuve de mon passage devant Caïphe, puisque la prison du palais du grand prêtre est le seul bâtiment dans lequel j'ai été enfermé. C'est le grand-prêtre Anne qui a manigancé mon arrestation, mais il se défausse sur Caïphe, son gendre qui doit prendre le relais (Anne et Caïphe ont été nommés grands-prêtres par le Romain Quirinius en 6; impopulaires, ils se terrent dans leur palais et seront révoqués par Tibère en 15). Caïphe a du mal à convaincre le Sanhédrin de ma culpabilité et il sait que toute condamnation est interdite pendant la Pâque juive. Il choisit de m’envoyer chez Pilate en prétextant que je fomente des troubles.
Je suis Jésus devant Pilate, septième tableau de l'église de Revigny
Mon scénariste et mon dessinateur ont peaufiné chaque détail de ce tableau. Je montre un regard compréhensif à Pilate qui ne cessera de répéter à la foule qui hurle contre moi : « Je ne vois aucun motif de condamnation chez cet homme ». Pilate, l'air inquiet, se tient devant moi, sous le dais de justice, costumé en juge du Moyen-Âge dans sa robe recouverte d'un camail, avec sa perruque et son tricorne barré d'un liseré jaune. Il instruit mon affaire debout comme le doivent les juges romains et tient le bâton de justice de la main droite comme le doivent les juges du Moyen-Âge. Derrière nous en perspective bourguignonne, la foule des Juifs coiffés de leur kippa du Moyen-Âge. Celle-ci ressemblait à une turlutte, espèce de trompette à bout évasée et les non-Juifs s'en moquaient méchamment en criant «turlututu chapeau pointu ».
Je suis Pilate jugeant Jésus, huitième tableau de l'église de Revigny.
On me voit assis sous le dais de justice, comme doivent le faire les juges romains au moment du prononcé du jugement. Jésus est devant moi, mais le reste de mon tableau est détruit. Je propose à la foule de libérer Jésus comme je peux le faire à l'occasion de la Pâque Juive, mais celle-ci préfère Barrabas. Ma femme a eu un songe terrible à propos de Jésus et me demande de le relâcher. Je suis superstitieux et non convaincu de la culpabilité de Jésus. J'apprends qu'il est galiléen. Or Hérode Antipas, tétrarque de Galilée, est venu dans le palais de son père pour la Pâque Juive. Hérode ne supporte pas l'occupation romaine, mais est favorable à Jésus. Je saisi l'occasion pour le lui envoyer.
Je suis Hérode, neuvième tableau de l'église de Revigny
Il ne reste plus rien de mon image, qu'une partie de la Jérusalem-Céleste qui me surplombe. Dans l'ordre des évangiles, je demande à Jésus des miracles et comme celui-ci ne me répond pas, je vais le renvoyer à Pilate, en me vengeant de lui. Dans le palais qui sera démantelé par Quirinius dans les années 6 à 9, est caché la Chlamyde, manteau de pourpre de mon père Hérode le grand que seuls, les rois et les fils de Dieu avaient le droit de porter du temps de la domination égyptienne. Ce manteau est recherché par les Romains pour leur empereur César Auguste qui, maintenant, s'est arrogé ce droit.
Un comédien :
Je suis Jésus sortant de chez Hérode, dixième tableau de l'église de Revigny. Vêtu de la Chlamyde, je me vois molesté entre les jambes par ses soldats, un pied par derrière, un autre par devant. De surcroît ils me frappent avec un jonc, symbole phallique, le tout pour se moquer de ma nature de fils de Dieu, les fils de Dieu ne devant pas avoir de commerce avec les femmes selon les termes de l'époque. Pour m'humilier, puisqu'on m'accuse également d'être le roi des Juifs, ils m'ont posé sur la tête une couronne d'épines, comme le faisaient les enfants de Palestine pour jouer au roi. Les rosiers de Palestine n'ont pas d'épines, mais mon dessinateur ne le sait pas ; il m'a dessiné des épines de France ; elles me blessent et des gouttes de sang jaillissent de mon front. Je suis renvoyé par Hérode devant Pilate en ces termes : « Tu es fils de Dieu et Roi des Juifs ! Débrouille-toi, toimême !»
Je suis Pilate se lavant les mains, onzième tableau de l'église de Revigny
Quelle surprise de voir arriver Jésus vêtu de la Chlamyde ! Je comprends le cadeau qui m'est fait et d'ennemi, Hérode deviendra un ami. Je m'empresse de déshabiller Jésus et comme la foule réclame à nouveau sa mort, je lui réponds à nouveau que je ne trouve aucun motif de condamnation en Jésus. S'il se prend pour un fils de Dieu et le roi des Juifs, c'est par déraison et je le fais flageller comme on le faisait pour les personnes dérangées, en leur intimant de ne plus recommencer. Ma ruse ne prend pas. En tant que juge, je m'assois sous le dais de justice et je leur cède Jésus. Comme je suis superstitieux et que je crains aussi une enquête de Rome, je déclare à nouveau que je ne trouve aucun motif de condamnation en Jésus, puis de façon à ce qu'il ne m'arrive aucun malheur à moi et à ma famille, j'ajoute à destination de la foule: « Que le sang de Jésus repose sur vous et sur vos familles pour des générations ! » Tout cela en me faisant verser de l'eau sur les mains selon le rituel romain, pour marquer ma désapprobation et éloigner le mauvais sort. « Nous n'avons d'autre roi que César Auguste. Que le sang retombe de Jésus sur nous et sur nos enfants », crie la foule. Les Juifs sont rituels, mais non superstitieux. Ils pensent de se moquer ainsi de moi et de ma superstition, mais ces paroles terribles et mal interprétées vont leur coûter de nombreuses et injustes persécutions. Jésus est effondré. Son visage exprime une souffrance intense et nos coloristes ont particulièrement peaufiné ce tableau, en ne négligeant aucun détail, tandis que l'eau coule d'une outre et me lave les mains.
Je suis Simon de Cyrène aidant Jésus à porter sa croix, douzième tableau de l'église de Revigny. Mon dessinateur m'a donné un air contraint, tandis qu'un méchant frappe Jésus qui porte sa croix. Le supplice de la croix exige que le condamné transporte une poutre attachée dans le dos avec des cordes jusqu'au lieu de son supplice. Jésus est trop faible pour le faire et c'est moi que les soldats romains ont réquisitionné.
Je suis Jésus cloué sur la croix, treizième tableau de l'église de Revigny
Sur le lieu de mon supplice, les soldats romains m'ont rattaché à la poutre avec des cordes. Mon scénariste les a fait dessiner. Je vais être hissé en haut d'un pieu et on va me lier les pieds également avec une corde. Je dois me maintenir le plus longtemps possible en position élevée. Si je m'écroule, je meurs asphyxié. Les soldats romains estiment que je suis trop faible et que je mourrai trop vite. Ils me clouent les poignets sur la poutre, puis les pieds sur le pieu, de façon à ce que je puisse continuer à respirer.
Nous sommes les soldats romains sur le Golgotha, quatorzième tableau de l'église de Revigny
Jésus vient d'être crucifié sur le mont Golgotha avec deux autres larrons. Nous sommes chargés de leur surveillance. Les disciples de Jésus et les femmes qui les accompagnent toujours sont maintenus au bas de la colline. Seuls ont été admis les proches : Marie, la mère de Jésus, la sœur de Marie, Marie-Madeleine et Jean que l'on devine en arrière plan. Jésus réclame à boire : l'un de nous lui donne à boire à l'aide d'une éponge imbibée d'eau vinaigrée. Trop faible, Jésus va mourir très vite. Pilate s'en étonne et ordonne une vérification. C'est ce que s'apprête à faire un autre d'entre nous, en perçant le côté droit de Jésus, par dessous pour atteindre le cœur sur la gauche.
Je suis Joseph d'Arimathie descendant Jésus de la croix, quinzième tableau de l'église de Revigny
Je viens de demander à Pilate l'autorisation de descendre Jésus de la croix. Je suis aidé par Nicodème, Pierre, Jean et Marie-Madeleine pour ensevelir Jésus dans un tombeau neuf. Il nous faut faire vite pendant la nuit: le sabbat commencera dès le lever du jour et la loi juive nous interdit toute activité extérieure. Nous sommes les seuls à connaître l'emplacement du tombeau de Jésus et les grands-prêtres ont obtenu de Pilate qu'il soit scellé, de peur qu'il ne ressuscite comme il l'a annoncé.
Je suis le seizième tableau de l'église de Revigny
Il ne reste plus rien de mes dessins. Selon les évangiles, il ne se passe rien entre la mise au tombeau de Jésus et sa résurrection, sauf un événement que l'évangéliste Matthieu ne situe pas dans un ordre chronologique : la pendaison de Judas. Judas mesure le poids de sa faute ; il va rejeter dans le temple l'argent qu'il a reçu pour avoir fait condamner Jésus et apprenant sa mort, il choisit de se pendre.
Je suis la résurrection de Jésus, dernier tableau de l'église de Revigny
Seule reste identifiable la mandorle qui entoure Jésus ressuscité. La forme que l'on devine à ses côtés devrait être Marie-Madeleine, la première à avoir vu Jésus ressuscité. Pierre et Jean qui savent où se situe le tombeau accourent ensuite. Ils constatent que le suaire est plié dans un coin et les bandelettes rembobinées dans un autre coin, preuves que quelqu'un est intervenu et a procédé à la résurrection de Jésus. Les évangélistes disent que Jésus a été ressuscité sans précisé par qui. Plus tard, les apôtres et les premiers chrétiens diront : le Père a ressuscité le Fils.
Nous sommes les croix de consécration de l'église de Revigny
Du XVéme au XVIIéme siècle, au moins cinq consécrations ont eu lieu, ce qui témoigne de l'importance accordée à notre église. Certaines d'entre nous comportent une croix de Saint André, façon de nous démarquer de la royauté de France.
Le cycle du chemin de croix des peintures murales de l’église Notre-Dame de l’Assomption de Revigny, œuvres du XVe siècle.
Jean-François Ryon, ancien CAOA, conseiller histoire et patrimoine de la Faspa-Jura
Comment comprendre un cycle de peinture dans une chapelle ?
L’édifice n’est pas paroissial avant le XVIIe siècle et c’est donc une chapelle qui est construite au XVe siècle.
Créer un vaste édifice comme la chapelle Notre-Dame de l’Assomption de Revigny avec un simple desservant au XVe siècle, puis la présence d’une familiarité (association de prêtres régie par un règlement codifié) attestée au XVIe siècle, démontrent la construction d’un édifice d’importance. Le soutien par l’autorité seigneuriale la famille de Montaigu, ou par l’autorité religieuse l’église mère de Saint Maur, et à travers cette dernière l’abbaye de Baume-les-Messieurs propriétaire de l’ensemble, constituent des hypothèses. Tous ont pu apporter respectivement leurs concours sans que nous puissions trancher laquelle a été prépondérante. Son emplacement loin du château médiéval est un argument en faveur de la riche abbaye.
Cet édifice est composé d’une architecture simple : une voûte en plein cintre légèrement brisée que nous pouvons caractériser de persistance romane, séparée par un arc central qui distingue le chœur de la nef. Construite en pierre de calcaire dans la partie basse et de moellons de tuf dans la partie supérieure, ce procédé permet d’alléger le poids des murs, tout en apportant une certaine fragilité. Plusieurs fissures sont présentes et nécessitent des solutions pour ces problèmes de structure avant d’aller plus loin dans la restauration des peintures. Ces dernières années, les pierres gélives du toit laissent entrer l’eau, c’est pourquoi une protection a été posée au-dessus du chœur. En dehors de ces conditions de l’architecture, les peintures murales ont subies des altérations dues au martelage de sa surface lors de la pose du plâtre, qui a pu les protéger car sans oxygène l’évolution est stoppée, à moins de présence d’humidité.
La première intervention (faite par le CRRCOA de Vesoul) a déterminé comment les peintures ont été réalisées, sur un enduit sec, à la différence des fresques sur un enduit frais « a fresco » et quels composants furent utilisés. La seconde a consisté à dégager les peintures du plâtre et dans le même temps à consolider les boursouflures et soulèvements de la couche picturale désormais en contact direct avec l’air. La troisième intervention consistera à continuer la consolidation, au nettoyage et à la réintégration de zones dont l’absence contrarie la lecture des peintures, le tout réversible ; toute personne peut distinguer les zones repeintes par un aspect distinct de la couche originale. Toutes ces conditions augmentent considérablement les frais….
Les peintures murales médiévales ont beaucoup de charme :
- c’est un mode d’expression très pédagogique, le sens est plus important que la qualité esthétique qui peut être présente mais ce n’est pas l’essentiel, l’accent est sur le message, les 14 stations de la Passion du Christ
- une vue directe sur le XVe siècle, les armures des soldats et certains détails vestimentaires sont directement issues de la représentation de ce siècle
- un décor riche pour une recherche de l’émotion pour tout spectateur par des détails du quotidien, des créneaux stylisés, de la nature (Jésus au Mont des Oliviers), ou encore de la vie courante.
Ces XIV stations de la Passion de Jésus Christ, ont été peintes dans un style dit bâlois du milieu du XVe siècle proche de Pierre Maggemberg.
Le peintre Pierre Maggemberg (1380-1463) est originaire de Fribourg (Confédération helvétique) dont le style est proche de ces peintures, sans pouvoir assurer une authentification plus précise, sinon son appartenance au XVe siècle, datation proposée dès les premiers dégagements et confirmée par le Professeur Frédéric Elsig de l’Université de Genève.
Face à l’image de la France éternelle, il est toujours délicat de préciser qu’à cette époque, nous n’étions pas dans le royaume de France mais une partie intégrante et ancienne du Saint Empire Romain Germanique même si nous utilisons le français depuis le XIVe siècle, comme beaucoup d’autres régions non françaises. Une des conséquences essentielles établit des échanges artistiques plus diffus dans toutes les directions : tout le grand arc alpin est ponctué par une éclosion de peintures murales à la fin du Moyen Age. La Franche-Comté possession des Ducs-Comtes de Bourgogne était en paix jusqu’en 1477, date de la première tentative de conquête par Louis XI, guerre et occupation qui dureront seize ans. Ce qui peut rendre possible une réalisation entre 1450 et 1477.
Le cyle principal est constitué par les quatorze stations traditionnelles disposées de chaque côté du choeur en deux séries surmontées d’une frise de créneaux de différentes maisons (évocation possible de la Jérusalem céleste) qui réunit les différentes scènes du décor, ryhtmées entre elles par des colonnettes. L’ensemble se déroule depuis l’officiant, du côté droit du choeur contre le mur pignon vers la nef, pour repartir de l’autre côté de l’arc du choeur et rejoindre l’angle oriental gauche. Dans le corpus des chemins de croix de cette époque celui de Revigny est l’ensemble le mieux conservé, en totalité.
Les épisodes représentent :
Côté droit depuis le mur du fond - La cène- Judas - Le Lavement des pieds - Au Jardin des oliviers - Le Baiser de Judas - Jésus devant Caîphe - Jésus et Pilate -
Côté gauche - Jésus devant Hérode - Le Jugement de la populace - Pilate se lave les mains - La Crucifixion - Jésus est mis au tombeau - La Pendaison de Judas - La Résurrection -
Sur le mur pignon sont présents plusieurs personnages : à droite ou à sénestre (par rapport à la peinture) un seul saint diacre avec sa dalmatique qui tient un livre, saint Etienne ? Aux vus de l’importance de la chapelle de Saint-Etienne de Coldres dans la vallée de la Vallière, propriété de Baume-les-Messieurs, saint Etienne peut justifier notre proposition à titre d’hypothèse, sans évacuer totalement la possibilité de saint Vincent, saint patron des vignerons dans notre région avant l’arrivée des reliques de saint Vernier au XVIe siècle.
Sur l’autre pans de mur, trois saints sont peints : saint Côme et saint Damien sont facilement reconnaissables grâce à leurs attributs, une fiole, ustensile des médecins de l’époque. Ces saints sont souvent associés à la présence des sources protectrices issues des résurgences qui comportent alors des eaux de qualités. Le troisième personnage est un saint homme au riche manteau. Jean Chevalot propose le saint pape Félix IV qui a canonisé les deux saints précédents, la restauration permettra de confirmer cette suggestion.
Des décors peints se poursuivent dans la nef, les sondages ne permettent pas de déterminer si ce sont des scènes animées ou des décors géométriques. A la commune seule revient la charge, la responsabilité et le financement destinés à poursuivre tous les travaux, notamment la restauration du bâtiment, la mise hors d’eau, la restauration des peintures visibles et le dégagement des décors peints des murs de la nef. Il appartient à chacun d’entre nous d’observer la force du message ainsi que ses qualités esthétiques et historiques.
Photos
Eglise de l'Assomption de Revigny - Jean-François Ryon (c)
Crucifixion, station du mur nord XVème siècle - Michel Marchand (c)
Saints Côme et Damien, mur du choeur, XVème sièlcle - Michel Marchand (c)